Depuis sa première édition en 2009, le Jour de la Nuit a pu impulser des réflexions locales et voir ainsi des conséquences positives et durables dans les territoires. Plusieurs communes participantes ont engagé des diagnostics de leur éclairage public, leur permettant de mettre en place des actions concrètes pour réaliser des économies d’énergie et de communiquer auprès d’un public de plus en plus sensibilisé.
Cet événement est coordonné par «Agir pour l'environnement» en partenariat avec quatorze structures associatives dont l’Association des Maires de France.
1. Qu'est-ce que la pollution lumineuse ?
Par définition, la pollution est constituée d’un altéragène biologique, physique ou chimique (vocabulaire normalisé AFNOR) qui provoque une gêne passagère, durable ou à effet à long terme.
La « pollution lumineuse » ,également appelée photo-pollution, se définit par l’impact de la lumière artificielle sur l’environnement :
* sur le paysage nocturne,
* sur la faune,
* sur la flore,
* sur l'humain,
* sur l'observation astronomique.
2. La prise de conscience
La prise de conscience de l'excès d'éclairage est relativement récente et provient de plusieurs sources :
À l’origine, ce sont des astronomes qui ont vu la nuit disparaître dans les villes les obligeant à s'exiler dans les déserts ou au sommet des montagnes.
L'astronome italien Pierantonio Cinzano a publié il y a quelques années le premier atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne, révélant l'étendue de cette pollution.
La présence d'astronomes, d'observatoires ou d'associations de protection de l'environnement qui ont perçu les dangers de cette pollution, a servi de déclencheur à ce mouvement.
Peu à peu, cette prise de conscience a atteint les pouvoirs publics et différentes mesures ont été prises : dans les communes rurales, la qualité du ciel nocturne a été comprise comme un atout. Certaines communes ont signé des chartes de l'éclairage durable, obtenant le label « commune étoilée ».
Enfin, au niveau national un arrêté a été pris pour limiter cette pollution. L’arrêté du 25 janvier 2013, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2013, régit l’éclairage des bâtiments non résidentiels, vise à limiter les nuisances lumineuses et à réduire la consommation d’énergie.
https://culturesciencesphysique.ens-lyon.fr/images/articles/pollution-lumineuse/arrete.png
3. Les effets de la pollution lumineuse
3.1. Son impact sur l'homme
De nos jours, 99% des Européens ne connaissent pas la nuit noire. Outre un manque de connaissance culturelle d’un fait naturel essentiel (nuit noire et ciel étoilé), cela engendre une baisse générale de mélatonine, un mauvais repos journalier et une atteinte possible à la santé. L’exposition à la lumière artificielle la nuit (LAN) a un effet délétère sur l’horloge interne. Elle est suspectée d'altérer le système hormonal , la libido, le vieillissement et le développement de tumeurs.
Ces effets se mesurent également en synergies positive ou négative. Il y a synergie entre la pollution lumineuse et la pollution atmosphérique : les villes trop éclairées peuvent également être très polluées (par exemple : Mexico ) ce qui augmente le halo et la pollution lumineuse.
3.2. Son impact sur la biodiversité
La pollution lumineuse affecte la biodiversité, la diversité du vivant, c'est-à-dire tous les processus, les modes de vie ou les fonctions qui conduisent à maintenir un organisme à l'état de vie.
A. Son impact sur la faune :
Le « noir », c’est l’habitat nécessaire d’un grand nombre d’espèces : c’est pouvoir se nourrir, c’est la condition de la survie. D’une manière générale, la vie aime le « noir » : beaucoup de mammifères sont ou sont devenus plus ou moins nocturnes. Ils préfèrent circuler dans le noir ou dans l'ombre, de même qu’ils évitent les sols nus et découverts. La nuit permet d’éviter les prédateurs et contribue à un équilibre naturel. Les rapaces nocturnes, les chauves-souris, les canards sauvages, les lapins… mangent essentiellement la nuit et préfèrent les zones de « noir profond ». Les grands mammifères tels que les cerfs et les sangliers se nourrissent et se déplacent la nuit.
Beaucoup de fonctions vitales dépendent de l’existence d’une période de noir profond : la pousse du pelage ou des plumes, les mues, l'alimentation, la torpeur diurne, la reproduction, les migrations, l'hibernation.
L’éclairage nocturne entraîne des modifications sur la biodiversité , sur le système proie-prédateur, des perturbations des cycles de reproduction, des migrations…
Du fait de la pollution lumineuse, bon nombre d'insectes nocturnes sont ainsi attirés par les lumières et meurent d'épuisement. Les amphibiens, quant à eux, se retrouvent aveuglés et ne peuvent plus distinguer leurs proies de leurs prédateurs. Chez les reptiles, cette pollution menace les tortues marines qui ne retrouvent plus les sites de pontes, tandis que les petits fraîchement éclos sont attirés par les villes et les routes, et non le reflet de la lune dans la mer.
Les oiseaux, enfin, profitent parfois de cette lumière nocturne pour accroître leur durée d'alimentation et se multiplier, comme c'est le cas pour les pigeons et les étourneaux. Les oiseaux migrateurs, en revanche, ne perçoivent plus les étoiles qui les guident, dérivent de leur route et s'épuisent.
B. son impact sur la flore et les écosystèmes
La lumière joue un rôle énergétique qui a des effets thermiques et chimiques. Les plantes vertes, lors de la photosynthèse, transforment l’énergie lumineuse en matière organique. La durée de l’éclairage est déterminante pour les processus évolutifs des plantes. En déréglant leur horloge physiologique, la lumière artificielle peut avoir des effets néfastes sur la flore. L’exposition à la lumière artificielle déclenche par exemple une floraison prématurée qui ensuite rendra la plante plus vulnérable au gel.
Les études de l’influence de la lumière artificielle sur les plantes ont montré que, dans un environnement urbain lumineux qui augmente la plage d’éclairement journalière, les arbres produisent des feuilles plus tôt et les conservent plus tard (donc augmentation de la biomasse) mais avec l’équivalent de 20 jours d’oxygène produit en moins par an !
4. Un gaspillage énergétique considérable
Les conséquences de l’excès d’éclairage artificiel ne se limitent pas à la privation de l’observation du ciel étoilé, aux perturbations pour la biodiversité ; elles représentent un gaspillage énergétique considérable.
En France, jusqu'en 2018, la réglementation en éclairage imposait des obligations de résultats et non de moyens. De même, la réglementation européenne est orientée vers les résultats (obligations d'économies d'énergie). Les arrêtés relatifs à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses du 28 décembre 2018 et 9 juin 2019 imposent désormais des obligations de moyens.
Nonobstant, la production de l’énergie électrique pour satisfaire les besoins en éclairage entraîne inévitablement une pollution de l’environnement. Il y a près de 11 millions de points lumineux en France, soit l'équivalent d'un lampadaire pour six habitants, d'après les derniers chiffres de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
5. La lutte contre la pollution lumineuse commence à porter ses fruits.
L'impact sanitaire et écologique de la pollution lumineuse est peu à peu reconnu et intégré dans les politiques publiques et la législation, en conjonction avec la mise en place de mesures d'économie d'énergie et de réduction des émissions de CO2.
La loi biodiversité renforce la lutte contre la pollution lumineuse
Les paysages nocturnes font désormais partie du patrimoine commun de la nation (L.110-1 du code de l’environnement). Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l'environnement, y compris nocturne. (L.110-2 du code de l’environnement). L’introduction directe ou indirecte de sources lumineuses d’origine anthropique fait partie des sources de pollution du milieu marin (L. 219-8 du code de l’environnement). Les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l'article L. 333-1 (parcs naturels régionaux) visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l'article L. 583-1.
6. Etendre les bonnes pratiques en matière d'éclairage public
Malgré ces avancées en terme de lutte contre la pollution lumineuse, la menace qu'elle fait peser sur l'environnement reste sous-estimée. Il existe des solutions simples et avantageuses pour tous : concilier besoins locaux et protection de la biodiversité. Plusieurs types de solutions sont d’ores et déjà en cours d’expérimentation.
La crise énergétique est l'occasion d'alerter plus encore sur cette menace. Parce qu'on a tout à y gagner !
Démocrates Pour la Planète appelle à :
- Mettre fin à la prolifération des panneaux publicitaires lumineux :
Dans un rapport publié en 2020, l’ADEME estimait la consommation d’un écran de 2m2 à 2 000 kWh/an, soit quasiment l’équivalent de la consommation annuelle d'un ménage (hors chauffage et eau chaude). L'affichage numérique contribue à la surexposition aux écrans, responsable de troubles du sommeil et de l'attention, générant une surcharge cognitive au quotidien .
- Se conformer au plan de sobriété présenté par le gouvernement et appliquer de façon stricte l’interdiction d’éclairage nocturne des publicités .
- Ajuster l’éclairage en fonction des circonstances : Un guide formulant 40 recommandations vient d’être publié sur ce sujet, à l’initiative de l’association « Les éco maires ». https://ecomaires.com
– Proposer aux collectivités de signer la charte pour la préservation de l’environnement nocturne de Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturne (ANPCEN). Elle regroupe aujourd’hui 574 communes françaises, contre 39 à son lancement, en 2009.
– Inciter la grande distribution à s’engager d’avantage à l'instar des fédérations du commerce et leurs entreprises qui ont présenté en juillet 2022 un protocole dit de sobriété énergétique avec un ensemble d'engagements volontaires. Parmi ceux-ci : l'engagement d'éteindre les enseignes lumineuses dès la fermeture du magasin (au lieu de 1 à 6 h du matin).
Consulter leurs engagements : https://www.perifem.com/_files/ugd/ffe537_92a2b174c2fb4616885eb214e821ccbe.pdf
- Développer sur notre territoire « les trames noires » ; ensembles connectés de réservoirs de biodiversité et de corridors écologiques pour différents milieux (sous-trames), dont l’identification tient compte d’un niveau d’obscurité suffisant pour la biodiversité nocturne.
La Trame noire est un moyen de reconnaître la dimension temporelle des processus écologiques. Plusieurs projets de Trames noires ont déjà été engagés et même achevés ces dernières années en France via des démarches exploratoires émanant d’acteurs locaux.
- Respecter et faire respecter la loi en sensibilisant sur les impacts de la pollution lumineuse.
DN pour DPLP Octobre 2022
Sources et bibliographie
Ministère de l'écologie : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plaquette%20arr%C3%AAt%C3%A9%20nuisancesLumineuses.pdf
Plan de sobriété gouvernemental : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/dp-plan-sobriete.pdf
Plan de biodiversité : https://www.ecologie.gouv.fr/plan-biodiversite
Création de l’Office français de la biodiversité (OFB) : https://www.ecologie.gouv.fr/it/node/3157
ADEME : https://www.territoires-climat.ademe.fr/ressource/553-195
France Nature Environnement : https://ged.fne.asso.fr/silverpeas/LinkFile/Key/7d0a20ac-2085-40e0-b1ee-cf1bbba25b2e/FNE-SFN-PollLumineuse-FINAL.pdf
Trame noire - Méthodes d’élaboration et outils pour sa mise en œuvre : https://www.trameverteetbleue.fr/documentation/references-bibliographiques/trame-noire-methodes-elaboration-outils-pour-sa-mise
Le Jour de la Nuit : https://geophoto.agirpourlenvironnement.org/le-jour-de-la-nuit/
Terres et Territoires : https://terres-et-territoires.com/hors-champ/nature/retrouverle-noir-de-la-nuit
LE TALLEC Thomas (2022), Quel est l’impact écologique de la pollution lumineuse ?, Encyclopédie de l’Environnement, [en ligne ISSN 2555-0950] url : https://www.encyclopedie-environnement.org/vivant/limpact-ecologique-de-pollution-lumineuse/
Livre Blanc Démocrates pour la planète