L'eau, c'est la vie même, dans son mouvement. L'eau est d'ailleurs ce qui nous constitue pour la plus grande part. Le réchauffement climatique rend les sécheresses plus nombreuses, plus fortes, décale les saisons et modifie la biodiversité. Le grand cycle de l'eau est profondément perturbé. À l'échelle locale, le petit cycle de l'eau met en interaction différents acteurs, qui peuvent agir ensemble. La prise de conscience de l'enjeu croissant qu'est l'eau est devenue un impératif.
Ce débat avait pour invités :
- Louis de Redon, maître de conférence en droit de l’environnement, Agro ParisTech, avocat,
- Clémentine Cailleteau-Crucy, maire de Mardié et conseillère déléguée à la métropole d’Orléans en charge de la politique de l’eau potable
- Michèle Crouzet, ancienne députée de l’Yonne
- Sébastien Repaire, MCF en Histoire de l’écologie, Université de Pau
- David Guillerm, président des Démocrates pour la Planète
L'évènement s'est tenu au siège du Mouvement Démocrate, dans l'Amphithéâtre Jean Lecanuet.
Retour sur le débat
L'eau est un enjeu essentiel, elle est ce qui nous constitue, la vie même. De plus en plus, la ressource en eau devient problématique. Le réchauffement climatique, les sécheresses, bouleversent en profondeur le grand cycle de l'eau. Que peut-on faire ? C'est la question que l'on se pose, au MoDem, où l'on refuse la déploration, le pessimisme. En envisageant la situation avec pragmatisme, en évaluant les risques, on se donne les moyens de trouver des solutions.
Il y a quinze jours, un sommet mondial s'est tenu à New York sur l'eau, le premier depuis 46 ans. Très récemment, le Président de la République a présenté le plan Eau, où il notamment question d'encourager à la sobriété, de taxer l'eau de manière progressive, de mieux recycler les eaux usées, de mieux irriguer les sols, et d'augmenter les budgets pour les agences de l'eau. Cela va dans la bonne direction. A la bonne vitesse ?
Rappelons que l'eau est un bien commun : elle n'appartient à personne. Sans eau, pas de vie. Les services liés à l'eau ont un coût, mais l'eau demeure ce qui nous constitue et ce qui nous relie. Le réchauffement climatique en accélère et perturbe le cycle. Nous avons connu plus de sécheresses depuis 2016 que pendant les quarante dernières années. Cette ressource jusque là "abondante" en France, va devenir de plus en plus rare, nous obligeant à une meilleure gestion de la ressource. Pour mieux gérer il faudra innover, se comparer et voir ce qui se fait ailleurs.
Louis de Redon, maître de conférences HDR en droit de l'environnement (AgroParisTech), souligne que la gestion de l'eau, dans les intercommunalités, mobilise une pluralité d'acteurs. Les SAGDE, les SAGE (Schémas d'aménagement et de gestion de l'eau) , permettent de fixer une direction, sur plusieurs années. Les agences de l'eau doivent être coordonnées avec les principaux acteurs du territoire. L'actualité de Sainte Soline nous a montré des écologistes et des agriculteurs en opposition violente. Les médias ont, bien évidemment, caricaturé les deux positions. Or, notre rôle, au MoDem, est de restituer les nuances du débat et de laisser la place au dialogue, pour aller vers un compromis. On ne gagnera rien dans des affrontements stériles.
Il faut prendre la pleine mesure de ce que va être la crise de l’eau et aller vers plus de sobriété : lutte contre les pertes en eau, réutilisation des eaux usées et des eaux grises, identification des usages.
Clémentine Cailleteau-Crucy, maire de Mardié et conseillère déléguée à la métropole d'Orléans à la politique de l'eau potable, nous explique le rôle et les compétences de l'élu local. Retraçant le petit cycle de l'eau, elle revient sur les diagnostics qu'un maire doit effectuer avant d'arbitrer, de faire des choix. Au niveau local, penser l'eau nécessite de connaître toute la chaîne, depuis l'âge des tuyaux jusqu'à la réutilisation des eaux usées et de se projeter à 20 ou 30 ans. Impliquer le citoyen dans le processus de décision est essentiel. La tarification solidaire par tranche (les permiers m3 moins chers) ou la promotion d'investissements comme la télérelève, qui permet de suivre sa consommation d'eau et d’être alerté par les fuites potentielles, sont des leviers que les élus peuvent actionner.
Michèle Crouzet, qui a été députée de l'Yonne et présidente de l'entretien des rivières, nous expose les problématiques que connaissent les agriculteurs qui, plus qu'on ne le pense, sont conscients des enjeux de l'eau. Comment diversifier les cultures ? Comment réutiliser les eaux usées, qui se jettent loin, dans la mer ? Comment réparer l'eau ? A toutes ces questions, pas de réponse unique. Pour chaque territoire, les situations, les actions diffèrent. Puiser dans une nappe phréatique, irriguer les sols, ne se fait pas de la même manière en Provence ou dans le Limousin. En France, seules 0,6% des eaux usées sont réutilisées, contre 90% en Israël, 14% en Espagne, 8% en Italie.
Sébastien Repaire, historien spécialiste de l'écologie, nous parle des enjeux liés à l'hydroélectricité. La ressource en eau n'étant pas inépuisable, comment concevoir et gérer cette source d'énergie ? Il y a, évidemment, des réflexions sur les profits, les prérogatives des agences. Aujourd'hui, l'hydroélectricité et le nucléaire constituent des pistes intéressantes, auxquelles il faut réfléchir de manière approfondie. L'hydrolélectricité n'est pas sans impact sur l'environnement et sur la ressource en eau, problème de libération des sédiments, problème sur la biodiversité... Ces problèmes ont été abordés récemment et en partie résolus, les gouvernements successifs ayant obligé EDF à mettre en œuvre des solutions.Les sécheresses de ces dernières années font de l’hydroélectricité une énergie qui n’est plus si renouvelable que cela ( -25% l’été dernier) Se pose la question de la part de l’hydroélectricité dans le mix énergétique à l’avenir. Les centrales nucléaires consomment quant-à-elle beaucoup d’eau soit en circuit ouvert soit en circuit fermé. Les centtrales en circuit fermé devront réduire leurs productions en été. Il est donc impératif d'établir un plan général de production d’électricité qui tiennent compte de la ressource en eau.
Depuis les Etats-Unis, David Guillerm, fondateur des Démocrates pour la Planète, propose des idées de solutions, en décentrant le regard et en s'appuyant sur ce qui se pratique ailleurs. Ainsi, la Chine fabrique de la pluie artificielle, Israël expérimente l'irrigation des cultures au compte-gouttes et la désalinisation de la mer, l'Allemagne travaille sur l'idée de ville éponge (rétentiond e l'eau sur le territoire). Des idées à suivre ? Nous pouvons aussi regarder du côté de l'Espagne, qui a fait preuve d'inventivité.
Car la grande question, pour nous, est celle de l'adaptation. Le réchauffement climatique accélère le grand cycle de l'eau : comment adapter nos modes de production agricole, nos gestes quotidiens, et jusqu'à notre organisme à ce monde en mutation ? Nombreuses, les questions de la salle et des personnes à distance portent sur la spécificité des territoires, sur la construction des barrages, sur le prix de l'eau.
Jean-Francis Richeux, vice-président de l'agglomération de Saint-Malo revient en détails sur les problématiques de son territoire. Dans la salle, plusieurs députés sont venus écouter et poser des questions : Richard Ramos, Jimmy Pahun, Erwan Balanant. Sylvain Waserman pose une question sur la manière d'associer de manière plus démocratique le citoyen à la question de l'eau. A partir du 20 avril, une grande consultation sur l'eau pure est programmée par la CNDP, à laquelle nous pouvons tous contribuer.
Au terme de cette soirée très animée, nous vous invitons à nous envoyer vos réflexions et expériences sur la gestion de l'eau, pour continuer à imaginer ensemble des solutions et bonnes pratiques.