Dans les médias, la Loi Climat et Résilience a souvent été évoquée de manière passionnelle, avec une mise en avant des positions antagonistes. Or, la loi possède un contenu substantiel, dans le domaine du logement notamment.
Jean-Luc Lagleize a remis en 2019 un rapport sur la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction au premier Ministre, ainsi qu'à Julien Denormandie, alors ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires, chargé de la Ville et du Logement (le rapport a donné naissance à un petit ouvrage : Gagner la bataille du logement, éditions PC, 2020). Avec Emmanuelle Wargon, qui lui succède, le dialogue s'avère également fécond. Sur le chapitre des évolutions du logement, l'apport de Jean-Luc Lagleize dans l'élaboration de la loi a été considérable. Il s'agit, essentiellement, de permettre aux citoyens d'habiter de la manière la mieux adaptée pour eux, à tel moment de leur vie.
Les objectifs, parfois, semblent éloignés. Interdire l'artificialisation en 2050, c'est dans 30 ans, presque une génération. Oui, mais Bruno Millienne et Jean-Luc Lagleize y insistent, il faut 3 ou 4 ans avant que le processus s'enclenche. Il faut également changer les habitudes des maires. 30 ans, c'est aussi le délai nécessaire pour remettre des activités économiques sur les territoires, afin que les gens puissent vivre et travailler au même endroit. Certaines friches agricoles, dont personne ne fera rien, doivent pouvoir devenir habitables. Dans nos petits villages, il y a souvent des dents creuses, dont les maires ne savent que faire, car il est compliqué de changer l'affectation de ces endroits. Il faut que les maires réfléchissent à réhabiliter ce qui a déjà été construit, avant de voir s'il y a lieu d'artificialiser. Rehausser une habitation d'un étage est souvent une possibilité à envisager. De nombreux prix publics existent d'ailleurs pour les maires bâtisseurs. Jean-Luc Lagleize a proposé dans son un rapport un budget de 350 millions d'euros devant permettre aux maires d'améliorer la densité de leur commune. Le plan France Relance affecte 300 millions d'euros pour réhabiliter les friches.
Sur la rénovation énergétique des bâtiments, la loi permet d'avancer. Bruno Millienne remarque que cela fait 40 ans que l'on accorde des aides, mais pas pour les bâtiments les plus énergivores, qui restaient alors occupés par des locataires ou par des propriétaires sans moyens suffisants pour les rénover. à présent, par des prêts, des micro-prêts, des droits de mutation, il devient possible de rénover sans voir son budget entamé. En 2028, il ne sera plus possible de mettre à la location des passoires thermiques. Un locataire peut sommer son propriétaire de rénover, mais ce dernier peut toujours refuser et changer de locataire. Un réel progrès existe néanmoins : Un accompagnement global a été créé de la part de l'Etat, depuis le diagnostic, le financement, jusqu'au début des travaux. En allant sur "ma prime rénov", le propriétaire est pris par la main du début à la fin.
Sur la taxe foncière, les chiffres fournis étant ceux de l'administration fiscale, ils ne disent rien sur la nature du bien. Cela fait 30 ou 40 ans qu'il est question de réviser ces chiffres, mais, certains y ayant intérêt et d'autres non, rien ne change.
Dispose-t-on des ressources humaines compétentes pour isoler convenablement ? A priori, oui, répond Bruno Millienne. Un lobby du béton existe en France, qui a retardé la filière de matériaux ressourcés. Mais, même dans le béton, des progrès ont été réalisés sur le carbone. On peut mixer le béton avec des matériaux biosourcés. Le plan de relance investit des sommes importantes dans les filières biosourcées. Un mur de paille, contrairement au béton, cela ne brûle pas. Le bois est également biosourcé: Bruno Millienne cite l'exemple d'un bloc scolaire de Rosny-sous-bois, construit en bois, ce qui n'a pas coûté plus cher à la mairie. Pour surélever des bâtiments, une ossature en bois posée sur un immeuble se révèle résistante et agréable à l'œil. Créer et structurer une filière bois en France serait une bonne piste.
Certains architectes ne croient pas au bois : Pourtant, nos ancêtres savaient très bien construire en bois, en paille, au torchis. On revient à une manière intuitive de faire, que l'on va pouvoir industrialiser. Jean-Luc Lagleize constate que ce savoir-faire s'est parfois perdu : dans le quartier de la cartoucherie, à Toulouse, un appel d'offre pour construire une tour en bois de 12étages n'a reçu que deux propositions, l'une émanant d'une association d'un cabinet français et d'un cabinet allemand. Peu de faiseurs existent encore.
Les architectes des Bâtiments de France sont des interlocuteurs précieux. Certes, ils s'attachent exclusivement à l'aspect extérieur du bâtiment mais, si le rendu extérieur n'est pas dégradé, il est possible de rénover. Et, dans le cas d'immeubles haussmaniens par exemple, une rénovation par l'intérieur est envisageable également. Les architectes des Bâtiments de France sont beaucoup moins obtus qu'on ne le croit.
Certaines mesures de la loi concernent la végétalisation des toitures. Bruno Millienne, qui est président de l'agence nationale de biodiversité en île-de-France, a fait accepter un sous-amendement pour qu'un organisme valide l'adéquation de la toiture végétale avec le bâtiment qui la porte. La loi prévoit désormais des parkings en silo, perméables, avec du gazon, des bandes de goudron ou de ciment séparant les places. Ce sont là des progrès notables.
Comment parvenir à davantage de mixité sociale ? Nos deux députés s'accordent pour voir dans les inégalités de logement la cause principale de la crise des gilets jaunes. Les zones très denses étant habitées soit par les plus riches, soit par les plus pauvres qui peuvent accéder à un logement social, les travailleurs pauvres se trouvent relégués loin de leur lieu de travail, et dépendants d'une, deux ou même trois voitures par famille. Donc, oui, les politiques de logement, en filigrane, sont des politiques de justice sociale. Jean-Luc Lagleize fait remarquer une absurdité : le logement et le transport sont trop souvent pensés séparément. Souvent, en France, l'adjoint au transport et l'adjoint à l'urbanisme ne se parlent même pas. C'est une profonde erreur, car le logement et les transports sont intimement liés.
Bruno Millienne nous parle de deux projets de réhabilitation menés par Farges et Bouygues, pour transformer des quartiers en lieux de vie : des espaces de nature, une bonne isolation, des lieux où les habitants peuvent se retrouver ensemble pour jouer aux échecs ou s'isoler pour lire. En concevant ces quartiers comme des îlots de vie, la mixité sociale se recrée. La revitalisation des centres, dans les villes, les bourgs, les villages, est essentielle. Tous les territoires doivent pouvoir offrir l'ensemble des services de proximité.
Bruno Millienne et Jean-Luc Lagleize rappellent, surtout, que le Mouvement Démocrate imagine une écologie faite pour l'homme, pas une idéologie incantatoire. Les positions extrêmes ne tiennent pas compte du quotidien. Ainsi, sur l'éclairage public : interdire complètement les enseignes lumineuses crée un risque d'insécurité. Mais la pollution lumineuse est néfaste pour les oiseaux de nuit. La solution serait une luminosité intelligente, à degré d'intensité variable.
Mixer les énergies est indispensable. Une programmation pluriannuelle de l'énergie doit être déclinée sur les territoires. Là encore, les dogmes n'ont pas de sens. L'éolien ne fonctionne que dans certains territoires, 20% du territoire hexagonal. Il faut cartographier toutes les formes d'énergie que l'on peut avoir. Cela relève de la compétence des régions, avec l'aide des préfets. Il faut que les régions puissent s'engager dans la production d'énergies renouvelables intelligentes.
La révolution numérique est indispensable sur tous les territoires. Les entreprises, notamment, ont besoin de la 5G. Or, constate Bruno Millienne, il existe encore trop de zones blanches, y compris dans les Yvelines. Tout le monde a besoin des effets bénéfiques du numérique.
La Loi Climat et Résilience offre de belles avancées, historiques, pour le logement. Jean-Luc Lagleize affirme, en revanche, son opposition ferme à 4 articles de la loi, sur le transport. En mettant toutes les interdictions sur le secteur aérien, aujourd'hui durement touché par la crise sanitaire, on risque de voir l'avion vert de demain se construire en Suisse, en Allemagne, en Angleterre, mais pas en France. Jean-Luc Lagleize compte sur la sagesse du Sénat pour enlever les 4 articles sur le transport aérien. Si ce n'est pas le cas, il ira devant le Conseil constitutionnel. Bruno Millienne abonde dans son sens : Mieux vaut aider Airbus, champion français, à construire un avion vert d'ici 2050, en aller vers la décarbonation.
Quelle est la prochaine étape ? Jean-Luc Lagleize explique l'importance de remettre à jour la loi SRU sur les quotas de logements sociaux. Peu de maires refusent aujourd'hui totalement les logements sociaux. Mais des ghettos de riches et des ghettos de pauvres se sont constitués. Il faut y remédier, en recréant de la mixité sociale. Bruno Millienne évoque deux chantiers : le transport de marchandises, les véhicules de chantier, les tracteurs, que l'on doit accompagner vers des énergies plus décarbonées; tout comme la filière maritime.
Quels espoirs pour demain ? Habiter dans des villes plus respirables. Le véhicule autonome aidera sûrement à désenclaver les territoires. Et pouvoir habiter la ville de la manière qui nous convient le mieux, à tel moment de l'existence : location, colocation, propriété, de façon souple.